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Par Gabrielle Lipton, traduit par Ilan Pargamin
Imaginez une ficelle fermement enroulée autour de votre poignet. Au bout de quelque temps, vos doigts s’engourdiraient, puis viendrait le tour de votre main. Un moment plus tard, votre peau risquerait de tourner au violet, et, si vous attendez trop, vous pourriez perdre votre main entière.
Une façon de remédier à cette situation serait de masser votre main, d’essayer de faire circuler le sang dans vos veines pour transporter l’oxygène jusqu’à vos extrémités. Mais la solution, bien sûr, est d’enlever la ficelle, ou du moins d’en desserrer le nœud autant que possible.
L’Initiative pour la restauration des paysages forestiers africains, connue sous le nom d’AFR100, fait partie de ce dernier type de solution. Lancée lors du Global Landscapes Forum 2015 à Paris en marge de la COP21, son objectif est de restaurer 100 millions d’hectares de terres dégradées et déboisées en Afrique à l’horizon 2030. Mais son véritable projet est d’assurer la sécurité alimentaire, de réduire la pauvreté, et d’augmenter la résilience du continent – et du monde – face au changement climatique. Le meilleur remède à ces maladies ? Refaire une santé à nos paysages.
« L’AFR100 s’appuie sur de nombreuses années d’expérience dans les pratiques de gestion durable des territoires et des ressources naturelles, explique Magda Lovei, Gestionnaires des Pratiques pour l’Environnement et des Ressources naturelles à la Banque Mondiale qui, avec le Ministère Fédéral allemand de la Coopération Economique et du Développement, est à l’origine de l’initiative. « C’est simple, clair, ambitieux, mais faisable. »
A ce jour, presque un quart du continent africain – près de 700 millions d’hectares, soit approximativement la taille de l’Australie – présente des « terres dégradées », et cette superficie grandit de 3 million d’hectares chaque année. L’aridité du désert a remplacé la fertilité des pâtures où les troupeaux paissaient. Les forêts d’hier, où abondaient sources de nourriture et remèdes médicaux naturels, se réduisent aujourd’hui à quelques arbres épars couchés sur des terres appauvries.
Les effets sur les communautés rurales et les petits exploitants ont été dévastateurs, et une incertitude radicale s’est installée sur les éléments les plus élémentaires de leurs activités quotidiennes: les terres arables et les forêts, indispensables aux cultures et au bétail ; le bois comme combustible ; l’eau pour boire et pour arroser ; et enfin une stabilité de la météo et des saisons, nécessaire pour assoir dans le temps des méthodes de production et de vente des produits agraires.
Mais assez de mauvaises nouvelles. Le but essentiel de l’AFR100 est de renverser cette tendance en replantant des arbres et en élargissant la couverture forestière de façon à faire revenir l’harmonie des paysages africains d’antan et les populations dont la survie en dépend. A cette date, 26 pays se sont engagés ensemble à restaurer 80 pour cent des 100 millions d’hectares cible de l’initiative.
« Des pays comme le Rwanda ont fait de grand progrès parce qu’ils ont montré que la restauration ne doit pas seulement être vue comme une réponse à une préoccupation « environnementale », mais à des problèmes cruciaux et plus généraux comme celui de la production alimentaire durable et de meilleure qualité », explique Douglas McGuire, Coordinateur pour le Mécanisme de Restauration des Paysages Forestiers à l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO).
L’engagement des pays africains dans la Restauration des Paysages Forestiers (RPF) ne date pas d’aujourd’hui, mais ces efforts individuels et isolés ont trouvé leur unité et leur organisation lors du Congrès Mondial des Forêts (World Forestry Congress) de Septembre 2015 à Durban, en Afrique du Sud, où dirigeants africains décidèrent de travailler ensemble pour les paysages d’Afrique – pour au moins 100 millions d’hectares d’entre eux.
Le mois suivant, l’Union Africaine a fait sien cet objectif, et l’AFR100 fut conçu de façon à répondre d’une part aux défis sociétaux fondamentaux en Afrique, et d’autre part à apporter sa pièce au puzzle des initiatives mondiales comme le Défi de Bonn (the Bonn Challenge, qui vise à restaurer 150 millions d’hectares à l’horizon 2020) ; la Déclaration de New York sur les Forêts (The New York Declaration on Forests, qui étend le Défi de Bonn à 200 millions d’hectares à l’horizon 2030) ; et d’autres initiatives comme l’ARLI (the Africain Resilient Landscape Initiative) et l’ALAP (the African Landscapes Action Plan).
« Les chiffres-cible peuvent pousser les individus à agir. Mais ceux-là doivent être traduits en projets réalistes également sur le plan financier », explique Lovei. « Il y a un besoin de la part des partenaires de l’AFR100 de construire des synergies avec d’autres initiatives. »
Finalement, en novembre 2015 à la COP21 à Paris, des représentants de 10 pays africains accompagnés de partenaires financiers et techniques ont officiellement lancé l’AFR100. Un Secrétariat, un Comité et une Plateforme d’Assistance Technique ont été installés pour superviser l’initiative, et les premières démarches ont été lancées pour donner une réalité à ce chiffre ambitieux.
« L’AFR100 est porteuse de beaucoup d’espoir et offre une bonne plateforme pour donner une réalité aux engagements du Défi de Bonn », dit McGuire. « FAO est optimiste, mais de plus étroites connexions avec d’autres initiatives semblables en Afrique sont nécessaires. » McGuire et Lovei font référence à la Grande Muraille Verte, à la cible établie par le LDN (Land Degradation Neutrality) et le partenariat TerrAfrica pour une gestion durable des paysages.
L’AFR100 partage avec d’autres efforts pro-environnementaux semblables un certain nombre de principes. Les besoins locaux et les conditions particulières seront harmonisés avec les priorités nationales ; le choix des arbres et arbustes plantés sera adapté aux écosystèmes naturels ; l’accroissement de la couverture forestière se fera davantage au profit de la productivité et de la durabilité du paysage que de la régénération de l’écosystème originel ; enfin les activités de restauration couronnées de succès de communautés particulières serviront de modèle pour la mise en place à grande échelle du processus de restauration dans sa globalité.
« L’AFR100 est une initiative qui appartient aux pays et qui est menées par eux », explique Wanjira Mathai, qui co-préside le Conseil de Restauration Globale (Global Restoration Council) du WRI (World Resources Institute) et siège au Green Belt Movement. « C’est la chose la plus essentielle si l’on veut mener cet effort de restauration à grande échelle. Surveiller les données est aussi essentiel, de la même manière qu’il faut réellement impliquer les communautés. Les personnes qui font le travail de restauration doivent partager les bénéfices de celle-ci. »
Wanjira Mathai and McGuire ajoutent à l’ensemble des conditions du succès de cet effort l’harmonisation institutionnelle, l’accès aux financements public et privé, des schémas viables de politiques publiques, et une réelle capacité de surveillance des activités de restauration.
Si l’AFR100 n’est jeune que de deux ans, le Niger offre déjà un cas de restauration réussie. Depuis le milieu des années 1980, la population du pays n’a cessé d’augmenter– elle a doublé en seulement 18 ans – mettant une pression sans pareil sur les terres.
Face à ce défi, les fermiers commencèrent à planter des arbres et arbustes à croissance rapide de façon à protéger leur sol, leur eau, et leurs ressources en carburants – une méthode qui prit l’appellation de « régénération naturelle assistée » (RNA). A cette date, plus de 5 millions d’hectares de terres ont été restaurés sans aucune aide du gouvernement, l’augmentation de la production céréalière a permis de nourrir 2,5 millions de personnes en plus chaque année, et le temps moyen de collecte de bois à brûler est passé de 2,5 heures à 30 minutes par jour.
Le Niger, qui fut également l’un des dix premiers pays à rejoindre l’AFR100, accueillera la Seconde conférence annuelle des partenaires de l’AFR100 dans sa capitale, à Niamey. En plus de réunir tous ses partenaires chaque année pour rendre compte de l’avancement du projet, la conférence sert de plateforme où les pays peuvent partager leurs réussites – comme le Niger – et les obstacles qu’ils rencontrent, de façon à ce qu’une leçon tirée d’une communauté rurale particulière serve à l’ensemble des communautés rurales africaines.
Bon nombre des pays partenaires ont déjà commencé à agir. Le Malawi et Madagascar ont publié leurs stratégies finales de restauration ; le Kenya et l’Ethiopie ont cartographié leurs territoires pour mettre à jour les opportunités de restauration ; le Niger, le Kenya, l’Ethiopie et le Malawi ont commencé à sécuriser des financements multilatéraux pour leurs efforts de restauration ; et diverses techniques de surveillance et de collecte des données ont été testées au Rwanda dans le but d’être transposées à l’ensemble du continent.
Voici le massage dont la main a besoin dans l’attente que la ficelle se desserre.
Ou, selon les mots de Mathai : « [C’est] une opportunité pour démontrer le pouvoir de la collaboration. Restaurer la fonctionnalité écologique de nos écosystèmes si fragiles, augmenter la productivité agricole, sécuriser les ressources hydrique et énergétique, et assurer des moyens de subsistance des présentes et futures générations, tout cela représenterait une grande victoire. »
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