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Depuis quelques semaines, il est difficile d’échapper aux reportages sur les feux de forêt en Amazonie et en Indonésie. Cependant, si l’on regarde la carte du monde des alertes incendies données depuis une semaine par l’observatoire Global Forest Watch pour le bassin du Congo (surfaces d’un kilomètre carré dans lesquelles un feu a été détecté sur une image satellite), il y a de quoi se demander si l’on ne serait pas en train de passer à côté d’un phénomène grave.
Une énorme traînée rouge s’étale sur toute l’Afrique centrale, plus dense et plus étendue encore que celle qui touche l’Amazonie. Si le Brésil arrive en tête du plus grand nombre d’alertes au feu enregistrées ces derniers temps, le Mozambique, l’Angola, la Zambie et la République démocratique du Congo (RDC) ne sont pas en reste, avec un nombre d’alertes presque équivalent. Qui plus est, la fréquence des incendies observée dans chacun de ces pays d’Afrique centrale dépasse largement celle de l’Indonésie.
Les feux dans cette partie du monde touchent principalement le bassin du Congo et les espaces voisins, région souvent appelée le « deuxième poumon vert » de la planète, après l’Amazonie. Ce bassin comprend une mosaïque de cours d’eau, de forêts, de savanes et de marécages, dont les tourbières de la Cuvette centrale récemment découvertes, les plus vastes jamais rencontrées en milieu tropical, et dont on estime qu’elles stockent environ 30 gigatonnes de carbone, soit l’équivalent de trois années d’émissions mondiales de carbone dues aux combustibles fossiles.
Alors pourquoi n’entend-on presque pas parler de ces brasiers ?
S’ILS N’ONT RIEN D’EXTRAORDINAIRE…
Selon Guillaume Lescuyer, chercheur au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD), la nature des incendies de l’Afrique centrale serait foncièrement différente de celle des feux qui se répandent en Amazonie, et il ne faudrait pas confondre les deux. Ces incendies surviennent surtout dans les forêts sèches et les savanes, sans se propager dans la forêt tropicale humide comme c’est le cas en Amérique du Sud. « Les zones boisées sont moins peuplées, explique G. Lescuyer, et elles résistent beaucoup mieux au feu », ce qui veut dire qu’un feu agricole qu’on n’arriverait plus à maîtriser viendrait « juste griller la lisière » de la forêt tropicale dense et humide sans faire beaucoup de dégâts.
Vus de la région, les incendies ne sont vraiment pas un phénomène hors du commun, affirme Lauren Williams, qui travaille au World Resources Institute (WRI) à Kinshasa, parce que le fait de brûler des parcelles déboisées avant de planter des cultures est une pratique agricole normale. « Je n’ai pas encore vu de reportage sur ce thème dans les médias congolais, explique-t-elle ; comme c’est la saison sèche et que le feu est un moyen couramment employé pour défricher les parcelles et les routes, ce n’est pas une question qui suscite beaucoup d’intérêt, contrairement à ce qu’on pourrait penser. » Si le nombre d’alertes au feu est légèrement supérieur à la moyenne cette année, « il est globalement conforme au nombre d’incendies habituellement relevé à cette période de l’année », ajoute-t-elle.
Selon L. Williams, il faut aussi être prudents lorsque l’on interprète les alertes au feu de la NASA : « Il est indispensable de comprendre qu’une alerte au feu ne signifie pas qu’un terrain entier est en train de brûler, car on n’a pas d’informations sur la superficie concernée ni sur l’intensité de l’incendie. Les satellites nous indiquent une localisation, mais il faut des informations supplémentaires sur les causes des feux pour les replacer dans leur contexte et juger s’ils représentent une menace réelle pour les différents écosystèmes. »
…DES FEUX TROP NOMBREUX PEUVENT AVOIR DES EFFETS NÉFASTES
Toutefois, comme le fait remarquer G. Lescuyer, même si les incendies paraissent normaux aux acteurs sur le terrain, « ce n’est pas parce le feu est une pratique habituelle qu’il ne faut pas s’en préoccuper : depuis quelques dizaines d’années nous observons que la fréquence des incendies et leurs effets dommageables sur la biomasse et la fertilité des sols augmentent avec la densité de la population humaine. Si les feux se multiplient, la dégradation des ressources naturelles sera importante et risque d’être irréversible ».
Que faut-il donc faire pour empêcher qu’une trop grande partie de l’écosystème ne parte en fumée ? Comme le feu fait partie intégrante des pratiques agricoles régionales, « nous ne pouvons pas parler de réduction des incendies sans réfléchir à ce qu’il faudrait faire pour augmenter les rendements et améliorer les pratiques », affirme L. Williams. Selon G. Lescuyer, il faudra faciliter l’accès aux savoir-faire techniques, aux intrants comme le matériel et les engrais, et à des financements pour les petits exploitants.
« Nous devons veiller à favoriser les pratiques agricoles efficaces et écologiques et la valorisation des produits et services naturels, avec une rétribution tangible des efforts de ceux qui protègent et gèrent durablement les habitats naturels. »
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