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« La restauration des paysages forestiers dépasse largement le simple fait de planter des arbres », a commenté Mamadou Diakhite, Secrétaire de l’Initiative pour la restauration des paysages forestiers africains (AFR100) lors de l’ouverture de la quatrième réunion annuelle du partenariat, à Accra au Ghana le 28 octobre. Pour bien marquer les esprits, il a répété cette phrase trois fois.
« Qu’avons-nous perdu ? », s’est interrogé Musonda Mumba, en charge des écosystèmes terrestres dans le cadre du Programme des Nations Unies pour l’environnement et du Partenariat mondial pour la restauration des paysages forestiers (GPFLR). Puis, après un temps de réflexion : « Pour quelles raisons restaurons-nous, exactement ? »
Plus de la moitié de la croissance démographique dans le monde d’ici à 2050 aura lieu sur ce continent, alors la réduction des émissions de gaz à effet de serre et leur séquestration constituent une conséquence bienvenue du retour des paysages naturels à un bon état de santé et de rentabilité. Mais ce n’est pas l’objectif premier, ont déclaré les représentants des gouvernements et organisations nationales qui pilotent cette initiative ambitieuse.
La restauration des paysages, dégradés par les effets du changement climatique et des activités humaines, au travers d’actions de plantations d’arbres et d’incitations à adopter des pratiques agricoles et d’élevage durables – ce qui définit la restauration des paysages forestiers (RPF) -, doit avant tout servir à fournir de la nourriture, du travail et des logements aux populations, ainsi qu’à préserver leurs cultures, basées sur les produits de leurs terres.
L’AFR100 a été fondée en 2015 à Durban par un groupe de dix pays africains, chacun s’engageant à restaurer un certain nombre d’hectares de paysages dégradés sur leur territoire. Ce partenariat a été conçu dans le but de contribuer aux objectifs plus larges d’initiatives internationales de restauration déjà existantes, telles que le Défi de Bonn et la Déclaration de New York sur les forêts. Aujourd’hui, les partenaires la voient également comme un pilier central de la Décennie des Nations Unies pour la restauration des écosystèmes (2021-2030), lancée en mars de cette année, ainsi que de la Décennie des Nations Unies pour l’agriculture familiale (2018-2028).
Actuellement, 28 pays d’Afrique se sont engagés à restaurer 113 millions d’hectares, qui, si le but est atteint, dépasseront l’objectif initial de 100 millions d’hectares dont l’initiative tire son nom, devant être restaurés d’ici à 2030 à travers le continent. Le secrétariat d’AFR100, au sein de l’Agence de développement de l’Union africaine (AUDA-NEPAD), coordonne les actions de restauration en Afrique avec l’aide des partenaires techniques de l’initiative, parmi lesquels le Centre de recherche forestière internationale (CIFOR), le programme des Nations Unies pour l’environnement, World Resources Institute (WRI), le Fonds mondial pour la nature (WWF), l’UICN, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et le GIZ.
Cependant, l’effort demandé pour atteindre ces engagements incombe toujours largement aux pays eux-mêmes.
Plus qu’une forêt
Dans un contexte où plus d’une personne sur cinq souffre de sous-alimentation en Afrique, où les migrations forcées entre pays augmentent en raison du changement climatique et des conflits civils, et où les économies africaines peinent à créer des emplois pour les jeunes, les demandes pour une définition étendue de la RPF venaient de toute part.
Cette diversité s’est illustrée tout au long des trois jours de réunion et lors d’une visite de terrain sur des sites de restauration à Accra et ses alentours. Dans les exploitations agricoles, les arbres peuvent être intégrés aux cultures afin d’améliorer la santé des sols, la résilience face au changement climatique et le rendement global. Les plantations durables pour les cultures comme le cacao, qui est au centre d’un nouveau projet de REDD+ au Ghana, peuvent générer des bénéfices plus importants pour les communautés locales en leur permettant d’accéder aux marchés mondiaux. Certaines plantes indigènes, telles que Prunus africana, traditionnellement consommé sous forme de thé au Kenya, peuvent alimenter des marchés de niche, comme les magasins de produits biologiques des grandes villes où il est commercialisé en poudre en tant que superaliment.
Le projet le plus ambitieux du continent pourrait bien être la Grande muraille verte, une initiative visionnaire visant à créer une barrière naturelle pour stopper l’avancée du Sahara vers la région fertile du Sahel au sud. En 2017, la muraille devait être composée d’arbres. Aujourd’hui, son architecture a évolué en un patchwork de fermes forestières, de prairies grasses, de formations arbustives, de zones humides et aussi de forêts.
Les délégués ont aussi souligné que la restauration ne peut être envisagée seule. Elle doit avant tout être associée à des écosystèmes boucliers actuellement en bon état. « Les écosystèmes que nous ne protégeons pas… basculeront », a déclaré M. Mumba. « Passé un certain point, ils ne seront plus récupérables. »
De plus, la restauration doit s’inscrire dans un effort de neutralité en matière de dégradation des terres (NDT), lequel fait actuellement l’objet de nombreuses études et concentre l’attention de la communauté scientifique, avec pour perspective de combiner développement économique et dégradation nette des paysages égale à zéro. Un récent rapport de l’UICN présenté lors des réunions révèle que dans 13 pays, les objectifs spécifiques de RPF et de NDT sont envisagés séparément et non pas ensemble, malgré des visées très similaires.
Des fonds pour la jeunesse
Les rencontres se sont largement intéressées à la mobilisation de la jeunesse africaine pour la restauration et aux moyens de capter et de consacrer plus d’argent aux activités de restauration – deux problématiques étroitement liées.
Soixante pour cent de la population africaine a moins de 25 ans. Anticipant cette évolution générationnelle, cinq jeunes ambassadeurs à la tête d’initiatives de restauration dans leurs propres pays, partenaires de l’AFR100, ont participé aux réunions :
« La restauration doit attirer la jeunesse. Elle doit être rentable, et accessible. Mais plus important encore, elle doit être abordable », commente S. Sokomani, dont les initiatives de plantation d’arbres dans les banlieues défavorisées de Cape Town visent à verdir les communautés qui l’ont vu grandir. « Les arbres doivent être cultivés de manière professionnelle. Il nous faut les bonnes essences, installées dans les lieux adaptés, livrées et plantées à la bonne saison. »
S. Sokomani confie que sa plus grande frustration, en tant qu’entrepreneur, vient de toute la paperasserie et du travail demandé pour gérer dans les règles une entreprise de restauration en Afrique du Sud, ce qui peut lui prendre des jours, voire des semaines. Obtenir plus de subventions pourrait lui permettre d’accélérer le développement de son activité.
Une idée reçue consiste à croire que les investissements destinés à la restauration vont principalement à des projets et des entreprises spécifiques, comme celle de S. Sokomani. Pourtant, nombre d’initiatives similaires à la sienne rencontrent des difficultés à attirer les fonds de donateurs ou d’investisseurs privés, plus souvent séduits par les cultures des chaînes d’approvisionnement mondiales. Si le spekboom, arbre résistant aux sécheresses, peut survivre facilement dans les cités d’Afrique du Sud, les plantations d’hévéa ou de cacao reçoivent des fonds plus rapidement, surtout lorsque les conglomérats mondiaux comme Nestlé et Mars Inc. cherchent à rendre leurs chaînes d’approvisionnement plus durables.
Amath Pathe Sene, figure de l’environnement et du climat en Afrique de l’Ouest et centrale au Fonds international de développement agricole des Nations Unies (FIDA) qui investit dans les petites exploitations d’Afrique, a fait remarquer que souvent, les financements ne sont pas orientés vers les start-up hautement spécialisées et axées sur les questions sociales, comme celle de Sokomani. « Sans fonds, vous ne pouvez rien faire », ajoute A. Sene. « C’est une réalité en Afrique. Allez où se trouve l’argent et occupez-vous des formalités administratives. Personne ne le fera à votre place. »
Chadia Mathurin de Farmerline, une start-up qui utilise l’intelligence artificielle pour envoyer des cartes et des données géospatiales sur les téléphones portables des agriculteurs, dans leur propre langue, a indiqué que l’entreprise avait réussi à attirer plus de fonds en alignant ses activités sur les Objectifs de Développement Durable (ODD), et en axant sa communication sur leur terminologie, laquelle devient de plus en plus familière au secteur privé.
L’objectif de restauration de 350 millions d’hectares sur la planète visé par les pays qui se sont engagés à relever le Défi de Bonn nécessite approximativement 800 milliards USD, et une question demeure : d’où va venir cet argent ? Des schémas de financement mixte, dans lesquels les fonds publics sont utilisés pour absorber les risques financiers des projets dans le but d’attirer un flux plus important d’investisseurs privés, ont été évoqués comme une solution possible.
Mais Ravic Nijbroek, scientifique interdiciplinaire du Centre international d’agriculture tropicale (CIAT) a constaté que les fonds sont plus rapidement débloqués uniquement lorsque les entreprises et les projets doivent payer la facture de leur impact. « Prenez la Banque mondiale, quel est le volume des financements attribués à des projets liés à la dégradation plutôt qu’à des projets constructifs ? », a-t-il demandé.
Pendant ce temps, « les pays d’Afrique investissent des ressources et de l’argent dans la restauration », affirme M. Diakhite. « Alors, si vous pensiez que nous attendions de recevoir de l’argent de l’extérieur, vous vous trompiez… parce que nous voyons les bénéfices économiques de la restauration pour les jeunes et les femmes. »
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