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Le déclin de la biodiversité de la Terre s’intensifie tandis que ses effets délétères ne font que croître. Économies nationales déstabilisées, systèmes alimentaires en péril, emballement du changement climatique et survenue probable d’autres pandémies mondiales similaires à celle du COVID-19, leurs connexions à la perte de diversité de la vie de notre planète apparaît de plus en plus évidente.
Cette année, la Convention des Nations Unies sur la diversité biologique (CDB) prévoit d’instaurer un nouveau plan mondial de protection de la biodiversité qui se poursuivra jusqu’en 2030, et qui sera l’occasion pour les nations et leurs représentants de s’engager encore plus en faveur de la protection et de la restauration des habitats naturels et des écosystèmes.
En parallèle, 2021 sera aussi l’année du lancement de la Décennie des Nations Unies pour la restauration des écosystèmes, un effort sur dix ans qui vise à « prévenir, arrêter et inverser la perte des écosystèmes dans le monde ».
Pour contribuer à la réussite de la Décennie et de ce nouveau cadre, le Forum mondial sur les Paysages (GLF) a publié une série de sept recommandations politiques, élaborées conjointement avec son réseau d’organisations partenaires, parmi lesquelles le Centre de recherche forestière internationale (CIFOR) et le Programme des Nations Unies pour l’environnement. Ces recommandations sont accompagnées de huit directives pour en faciliter la mise en œuvre.
Ce document, intitulé « One World, One Health: recommendations to harness the power of landscapes » (Un monde, une santé : recommandations pour tirer parti des avantages présentés par les paysages), rappelle la place de la biodiversité dans les défis sanitaires et financiers actuels en exhortant les gouvernements à agir pour préserver les immenses bénéfices qu’offre la conservation et à renforcer le poids juridique, les droits et les responsabilités des populations qui vivent dans ces paysages riches de diversité.
Étayée par la recherche scientifique, des études de cas, des méthodologies et des cadres abordés lors du forum en ligne, chaque recommandation est accompagnée d’exemples illustrant ses avantages potentiels.
Les recommandations sont les suivantes :
Élaborées en grande partie par une équipe de jeunes membres du GLF et d’organisations partenaires, ces recommandations s’appuient sur « l’approche paysagère », une philosophie de l’environnement qui cherche à enrayer le changement climatique et à réaliser les objectifs de Développement Durable des Nations Unies, en s’attelant simultanément aux objectifs sociaux, environnementaux et économiques. La décision prise par ces jeunes gens (35 ans et moins) de s’impliquer dans la rédaction de ces recommandations est un moyen de donner corps à l’approche paysagère et d’inclure de jeunes professionnels dans les processus d’élaborations des politiques, desquels ils sont bien souvent écartés.
James Reed, scientifique du CIFOR à la tête d’un programme de recherche regroupant plusieurs pays sur les approches paysagères, indique que ces recommandations, telles qu’elles ont été rédigées, sont assez générales, et que leur mise en œuvre doit être adaptée sur mesure à chaque contexte spécifique et soutenue par des études centrées sur l’inclusion des usagers des paysages.
« Le processus de recherche de l’approche paysagère peut se mettre à la portée des populations qui ne sont habituellement pas consultées dans les processus de prise de décisions et tenter d’en comprendre la raison (et d’expliquer pourquoi il est important de les inclure) », fait remarquer J. Reed. « Quels sont les impacts sociaux et les résultats sur l’environnement que peut avoir leur contribution ? Qu’est-ce que l’histoire nous révèle sur leur gestion de leurs paysages ? Est-elle efficace pour réaliser les objectifs et répond-elle à leurs besoins ? »
Les recommandations sont assorties d’un préambule comprenant quatre demandes adressées à la gouvernance mondiale, et formulées par les membres de 18 organisations de lutte contre le changement climatique. Ces demandes (la transparence des gouvernements ; des systèmes éducatifs qui valorisent la nature ; une meilleure inclusion des populations marginalisées, dont la jeunesse ; et une action climatique transformatrice de la part des dirigeants mondiaux) résument certains des changements de grande ampleur défendus par le mouvement de la jeunesse pour le climat autour du monde.
« Nous avons tous discuté de ce que nous avons vu dans les actualités, ou sur les réseaux sociaux, où les générations précédentes nous jugeaient idéalistes, pas assez réalistes », commente Ruth Oviedo Hollands, 27 ans, une des coordinatrices du préambule, qui est également un document à part entière.
« Nous voulions prouver qu’ils ont tort. Les jeunes sont largement présents et de plus en plus nombreux à travailler, ou faire du bénévolat, dans des programmes, des organisations sans but lucratif ou locales, qui donnent de leur temps à des projets dont l’objectif est de trouver des solutions aux problèmes climatiques. Nous avons essayé d’envoyer un message fort dans notre lettre. »
En 2010, les vingt objectifs ambitieux d’Aichi sur la biodiversité avaient recueilli la signature de presque tous les pays, ainsi que leur engagement. Or la décennie qui s’achève fut un véritable désastre pour la biodiversité. En 2019, au moment de tirer le bilan des objectifs, la plateforme scientifique IPBES faisait état d’un million d’espèces menacées d’extinction. Dans son rapport circonstancié rendu public en septembre 2020, la CDB qui avait pris part à leur élaboration confirmait qu’aucun des vingt objectifs n’avait été mené à son terme et que seulement six étaient partiellement avancés. Un rapport similaire du Fonds mondial pour la nature révélait que les populations de 4 400 espèces de vertébrés avaient connu un déclin de 68 pour cent en moyenne depuis 1970.
Pour la Secrétaire exécutive du CDB, Elizabeth Maruma Mrema, ce taux de perte est « sans précédent ».
Il n’y a pas à ce jour de consensus sur le coût d’un financement adéquat dédié la conservation de la biodiversité. En 2012, le CDB avait estimé entre 150 et 440 milliards USD le montant annuel nécessaire pour atteindre ces objectifs. Ce chiffre n’a pas été actualisé depuis. Toutefois, le rapport de 2020 a relevé que le financement mondial total actuel dévolu à la biodiversité s’élevait entre 80 et 90 milliards USD, un chiffre bien dérisoire face aux 500 milliards de subventions déboursées par les gouvernements et dont les effets sont préjudiciables à l’environnement.
Les recommandations politiques ont été élaborées comme le résultat applicable des discussions scientifiques qui se sont tenues lors des deux jours du forum en ligne du GLF, en octobre 2020, qui était consacré à la conservation de la biodiversité et à son rôle dans la prévention de l’émergence de maladies infectieuses émergentes, telles que COVID-19, au travers de l’approche One Health. À l’instar de l’approche paysagère, One Health milite pour l’unification des domaines sanitaires humain, animal et écologique, en raison de leurs nombreuses interconnexions.
Dans le contexte du nouveau cadre consolidé de la CDB et du démarrage de la Décennie de restauration des écosystèmes, ces recommandations cherchent à faire rayonner plus loin l’approche paysagère, One Health et la voix des jeunes au cœur des pratiques de conservation de la biodiversité dans la prochaine décennie. Elles ont vocation à être débattues lors des rencontres des organes subsidiaires de la CDB dans le but de réaliser les nouveaux objectifs du cadre et en tant que stratégie complémentaire pour la Décennie.
« C’est une piqûre de rappel au monde pour dire que nous n’allons nulle part, que nous continuons à travailler et à nous dédier à la crise climatique », conclut R.O. Hollands.
Toutes les illustrations sont de Josie Ford, studiojojo.co
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