Esther Mwangi, principal scientist and a governance researcher with the Center for International Forestry Research (CIFOR). GLF/Handout

Des avantages pour les communautés sont la clé de la restauration des paysages, déclare une chercheuse en gouvernance forestière du CIFOR

12 août 2018

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NAIROBI (Landscape News) – Presque un tiers du continent africain est dégradé à cause des activités anthropiques – notamment par l’agriculture et l’exploitation des ressources – ce qui est dramatique pour l’environnement et fait peser un risque sur la sécurité alimentaire et les moyens de subsistance.

La restauration des paysages peut permettre de réparer les dégâts et de transformer la vie des communautés, mais comment surmonter les obstacles et mettre en œuvre le changement ?

La clé se trouve dans l’action au niveau communautaire, affirme Esther Mwangi, scientifique principale et chercheuse en gouvernance au Centre de recherche forestière internationale (CIFOR) en poste à Nairobi. « Quand le régime foncier est bien défini et que les gestionnaires de la terre voient les fruits de leurs efforts, nous commençons à observer des résultats intéressants ».

Pour voir si ces observations se confirment en général, E. Mwangi est partie à la recherche d’hommes et de femmes pour les écouter raconter leurs belles réalisations, prouvant le potentiel des initiatives lancées au niveau local.

Elle a sélectionné 12 récits dans neuf pays d’Afrique pour les rassembler dans une petite anthologie intitulée Communities Restoring Landscapes: Stories of Resilience.

« La restauration, c’est de l’investissement : il faut investir du temps, de l’énergie, des ressources, des compétences, afin de remédier à une situation qui, nous sommes tous d’accord, n’est pas optimale », poursuit-elle. « Ce n’est qu’ensuite qu’on se demande « pourquoi » ? Pourquoi devrait-on s’investir autant ?

Cette brochure, qui sera diffusée au prochain Forum mondial sur les paysages des 29 et 30 août au siège du PNUE à Nairobi où le problème de la dégradation des terres sera en ligne de mire, montre que le fait qu’un acteur ait un rôle moteur, le capital social et la collaboration, un régime foncier clair et l’appui de la gouvernance sont essentiels pour que la restauration par les communautés réussisse.

« Nous avons appris que, du point de vue des communautés, la réussite ne se réduit pas à un certain nombre d’arbres plantés dans un endroit, cela touche aussi la sécurisation et l’amélioration des moyens de subsistance, de nouveaux liens qui se créent et se renforcent, la mise en place d’une éthique de la conservation chez les jeunes générations et les droits des exclus à prendre en compte, explique E. Mwangi.

Elle a fait part de ses réflexions à Landscape News dans l’interview suivante.

Question : Qu’espérez-vous que les lecteurs retiendront de Communities Restoring Landscapes: Stories of Resilience ?

Réponse : On constate une pluralité d’enjeux dans la restauration des paysages : différentes communautés investissent du temps et des efforts pour des raisons très différentes, toutes valables, et réalisent différents types d’intervention. Cependant, d’après les 12 récits que nous avons réunis et qui proviennent de régions différentes de l’Afrique, il semble que les moyens de subsistance sont la principale motivation de la restauration des paysages et que la collaboration au sein des communautés et entre elles, comme le fait qu’un acteur (ou plusieurs) prenne les choses en main, sont déterminants pour la mise en œuvre.

Question : Quel impact a l’approche paysagère sur les efforts de restauration ? Voyons-nous un progrès ?

Réponse : D’après ce que j’ai vu, la restauration est une entreprise polymorphe et plusieurs choses sont nécessaires. Il faut d’abord des droits fonciers bien définis et garantis sur les arbres, les forêts et les terres. Dans le cas contraire, si je plante un arbre, quand il aura poussé, quelqu’un viendra pour en récolter les fruits. Il faut que je sois assurée, d’une façon ou d’une autre, d’avoir un intérêt à passer des années à m’occuper de cette ressource. Pour parler des avantages, les efforts de restauration faits par les communautés sont souvent liés à plusieurs objectifs : l’objectif économique qui consiste à garantir les moyens de subsistance et à les renforcer est tout aussi important que la préservation de l’environnement et en fait, dans certains cas, comme dans le cas des mangroves du littoral, la protection des moyens de subsistance locaux de la puissance des vagues de l’océan est une énorme motivation pour la restauration.

L’approche paysagère est certainement prometteuse pour accélérer les actions de restauration dans la mesure où elle peut permettre une meilleure coordination, plus de synergie et une meilleure planification entre des acteurs et des secteurs ayant des objectifs multiples et souvent en concurrence. Ce n’est pas une idée nouvelle et nous disposons même d’outils et de méthodes pour faire progresser ce type de coordination, mais la volonté et l’intérêt sont déterminants.

Et volonté et intérêt seront bien au rendez-vous de ce GLF de Nairobi qui réunira des représentants des communautés, des autorités, le secteur privé, et des entités régionales entre autres. Nous aurons la possibilité de réfléchir de façon approfondie aux moyens qui permettront de réaliser cette coordination.

Question : Voyez-vous une possibilité de mettre en place de façon pérenne une alternance de cycles d’utilisation des terres et de restauration ? Un mécanisme international pourrait-il être mis en place ?

Réponse : Ce serait merveilleux si un mécanisme international pouvait être éclairé et motivé par les réalités locales – avant que quelque chose ne soit perçu au niveau mondial, cela s’exprime presque invariablement avec quelque ampleur au niveau local. Trop souvent, nous procédons à l’inverse, de manière descendante, et au final, nous devons passer énormément de temps et dépenser beaucoup de ressources pour rectifier et amender les initiatives internationales afin qu’elles soient cohérentes avec les réalités locales.

La question de savoir si nous avons besoin d’un mécanisme international pour la restauration des paysages est une question importante. Il me semble que nous avons déjà la possibilité de nous atteler à la restauration par les mécanismes existants comme ceux qui visent le changement climatique. Mais c’est une solution et elle peut être couplée à d’autres. Par exemple, la mobilisation d’un mécanisme international pour fournir un effort équivalant dans une certaine mesure aux engagements des pays. Il ne faut pas forcément s’appuyer sur une seule solution : on peut panacher, s’inspirer des démarches actuelles et en inventer de nouvelles.

Question : Quels sont les défis spécifiques auxquels l’Afrique est confrontée ? Bien sûr, chaque pays a ses propres problèmes, mais certains problèmes sont-ils généralisés ?

Réponse : De nombreuses communautés pratiquent la restauration des paysages sous ses différentes formes – ce n’est pas un fait nouveau. Nous devons tirer parti de ces enseignements afin de démultiplier les réussites. Cela aiderait aussi de mieux impliquer les secteurs quand on réfléchit à l’élaboration d’un référentiel institutionnel et pour les politiques en vue de la restauration des paysages. Nous travaillons trop souvent en poursuivant des objectifs contraires, la main droite ignorant ce que fait la gauche et parfois sapant son travail. Il est impératif de mettre en place une coordination intersectorielle en restauration des paysages.

Question : Quelle est votre principale thématique de recherche ? Est-ce que vos recherches recoupent les thèmes du congrès du GLF à Nairobi ?

Réponse : Je passe beaucoup de temps à réfléchir aux origines, causes et modalités de la mise en place des droits de propriété et des régimes fonciers, comme de leur évolution et je cherche à savoir si cela a une incidence (et comment elle se traduit) sur la protection du régime foncier des groupes humains – par exemple, des femmes, des communautés – et des personnes, la gouvernance de leurs ressources et la distribution des avantages et bénéfices issus de ces ressources. Je suis en train de terminer une étude sur un certain nombre de pays de la planète pour voir ce qui se passe pour les populations et les forêts quand une réforme foncière est instaurée officiellement. Avec le Regional Center for Mapping and Resource Development (RCMRD) et le CIRAD (Centre français de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement durable des régions tropicales et méditerranéennes) j’avais travaillé pour développer le prototype d’un obse forestier de l’Afrique de l’Est. Ces domaines de travail correspondent tout à fait aux préoccupations du GLF sur la prise en compte du genre, les droits fonciers, le suivi et la mesure. Mon dernier travail sur la gouvernance et le régime foncier des mangroves est probablement celui qui présente le plus d’intérêt pour le GLF de Nairobi. Ce travail fait suite aux thématiques sur lesquelles je planche depuis longtemps, mais il s’applique à un écosystème intéressant et que je n’avais pas encore étudié jusqu’ici : les mangroves du littoral. Au GLF de Nairobi, nos partenaires, le Kenya Marine Fisheries Research Institute et le Western Indian Ocean Mangroves Network organisent la seule séance consacrée aux mangroves de ce congrès. Cet événement en parallèle permettra aux intervenants et aux participants de faire le bilan de la conservation des mangroves, de débattre de leur restauration et des défis qui se posent pour relier savoir et action en matière de conservation et de restauration de ces écosystèmes.

 

Esther Mwangi est scientifique principale et chercheuse en gouvernance au Centre de recherche forestière internationale. GLF/Handout

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