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Selon les scientifiques du département Global Development de l’Université Cornell, une minuscule céréale appelée fonio pourrait jouer un rôle majeur dans l’amélioration de la sécurité alimentaire en Afrique de l’Ouest.
Déjà cultivé dans les sols arides et sablonneux qui caractérisent une grande partie de la région, le fonio (Digitaria exilis) s’apparente à une céréale prodige. Excellente source de protéines et riche en acides aminés soufrés, elle contient également des micronutriments comme le fer et le zinc. Son indice glycémique faible est par ailleurs idéal pour les personnes atteintes d’intolérance au gluten ou diabétiques.
Le fonio serait la plus ancienne céréale cultivée d’Afrique ; ses origines remontent à plus de 5 000 ans. Les archéologues l’ont même retrouvé enterré dans les tombes des pyramides égyptiennes. Du fait qu’elle mûrit rapidement (dans certains cas en seulement six à huit semaines), les communautés rurales l’emploient depuis longtemps comme aliment de soudure entre les récoltes des autres cultures, lorsque la nourriture diminue.
Un projet de recherche, porté par le programme Climate-Resilient Farming Systems (CRFS, ou systèmes agricoles résilients face au changement climatique) de l’université Cornell et 3-A Sahel au Mali, vient de démontrer que les agriculteurs peuvent presque doubler leur rendement de fonio en adaptant les méthodes du système de riziculture intensive (SRI).
Développées initialement à Madagascar dans les années 1980, les pratiques SRI visent à produire une plante plus forte et productive, et pour y parvenir, encouragent les agriculteurs à repiquer des plants à un stade plus précoce, de leur laisser plus d’espace afin de permettre au système racinaire de s’établir, d’améliorer les sols par l’apport de matière organique et de pratiquer un arrosage minimum au lieu de submerger la plante. Les adventices sont contrôlées et incorporées au sol à l’aide d’une simple houe maraîchère. Avec des rendements décuplés de 20 à 200 pour cent, les principes du SRI ont été appliqués à d’autres cultures aussi diverses que le blé, le millet africain et la canne à sucre.
De plus, le partenariat lié avec Yolélé Foods, une entreprise tendance installée dans le quartier de Brooklyn à New York qui propose sur le marché américain des produits cultivés par des petits exploitants d’Afrique de l’Ouest, a permis une avancée majeure dans la transformation de cette céréale difficile à moudre et ouvert les portes d’un marché local et international.
L’agronome tropicale Erika Styger, qui dirige le programme Cornell, décrit la démarche d’Hamidou Guindo, directeur de 3-A Sahel, qui a sélectionné cinq villages maliens situés dans la région de Mopti afin de tester les méthodes SRI sur le fonio. Dans chaque village, deux hommes et trois femmes ont participé au projet et préparé trois parcelles de 100 mètres carrés chacune, séparées les unes des autres.
« La première parcelle est la parcelle témoin », explique-t-elle, « où le fonio est cultivé selon les pratiques traditionnelles des agriculteurs. » Après un labour léger, les graines de fonio ont été semées à la volée, ou dispersées à la main sur le sol, et selon la coutume, n’ont pas reçu d’engrais organique. La même méthode de culture a été appliquée à la seconde parcelle, mais avec une légère dose de nutriments issus du fumier de bétail. Dans la troisième parcelle, les techniques SRI ont été utilisées : le semis en ligne à l’aide d’un râteau pour former un sillon peu profond, l’espacement des plants et un peu de fumier de bétail. Le désherbage a été réalisé à l’aide d’une houe maraîchère et non à la main.
Les résultats obtenus après deux années d’étude étaient saisissants. Si les rendements de la seconde parcelle étaient supérieurs à ceux de la parcelle témoin, ceux de la troisième parcelle avaient presque doublé. Le nombre de semences nécessaires était bien moindre (12 kilogrammes par hectare au lieu de 20) et les plantes étaient plus hautes, plus robustes et présentaient plus de pousses le long de la tige principale pouvant produire plus de grains.
« Les agriculteurs n’avaient jamais utilisé de fumier avec le fonio », explique E. Styger, « mais ils ont remarqué que cela améliorait l’humidité du sol, et que les petits sillons créés par le passage de la houe permettaient de canaliser l’eau et de faciliter son infiltration dans la terre après la pluie. »
Pour E. Styger, ces résultats indiquent clairement que les agronomes devraient plus s’intéresser à ces cultures qualifiées de mineures, comme le fonio, qui pourraient contribuer au développement de stratégies d’agriculture durable. « Il est important de s’intéresser à ce que les populations font depuis des milliers d’années », dit-elle.
Alors que la situation climatique et l’augmentation des températures à l’échelle mondiale fragilisent la sécurité alimentaire à travers l’Afrique, les agriculteurs de petites exploitations et de cultures de subsistance sont plus vulnérables que jamais. « Avec le changement climatique, vous ne savez pas ce qui peut arriver », souligne-t-elle « Y aura-t-il une sécheresse en début de saison ? Ou en plein milieu ? Ou peut-être des inondations ? Par conséquent, plus les cultures seront diversifiées, mieux ce sera. »
Dans la cosmogonie du peuple dogon, l’univers est né d’un grain de fonio. Cependant, si le fonio est une denrée alimentaire populaire doublée d’une grande valeur culturelle, accroître sa production n’est pas en soi la garantie d’une meilleure alimentation, ni d’une alimentation plus sûre, pour les consommateurs d’Afrique. Selon une récente étude sur la chaîne de valeur du fonio au mali, dirigée par Charlie Mbosso du Centre International pour la Recherche en Agroforesterie (ICRAF), les obstacles à sa culture et son commerce ne manquent pas.
« Les contraintes de transformation posent problème », affirme Gennifer Meldrum, consultante pour Bioversity International et coautrice d’une l’étude sur les chaînes de valeur du fonio et du pois bambara au Mali (« Fonio and Bambara Groundnut Value Chains in Mali »).
« L’absence d’un marché fiable ressort comme le frein principal à une production et une distribution commerciale du fonio et du pois bambara, tant pour les agriculteurs que les négociants », peut-on y lire. Les prix élevés sont également perçus comme une barrière, tandis que « la qualité du produit transformé, contenant souvent du sable, le rend peu attrayant. » De plus, le fonio est généralement un ingrédient utilisé lors de cérémonies ou d’occasions particulières, limitant de fait sa demande à certaines périodes de l’année.
Pour Philip Teverow, cofondateur et PDG de Yolélé Foods, si les agriculteurs d’Afrique de l’Ouest produisent environ 700 000 tonnes de fonio chaque année, moudre le minuscule grain s’avère très compliqué : le processus engendre jusqu’à 40 pour cent de perte sur une récolte et ne répond pas aux normes de qualité internationales.
C’est la raison pour laquelle l’entreprise a investi dans le développement d’une nouvelle technologie de broyage qui verra le jour début 2022. « Nous la développons au travers d’une joint-venture avec des partenaires au Mali, dont un transformateur industriel qui utilisera d’autres cultures en plus de ses produits actuels, comme le fonio, le millet et le sorgho.
« Nous voyons dans cette solution technique le moyen et l’occasion de répondre à la demande du marché, en termes de quantité, mais aussi en termes de qualité », ajoute-t-il, « en réduisant les pertes post-récolte et les prix, et en augmentant la disponibilité du fonio en Afrique de l’Ouest. Et si nous arrivons à augmenter la productivité, nous pourrons cultiver plus de fonio sans utiliser plus de terres. »
D’ici là, Yolélé Foods est déterminée à faire découvrir le fonio à un public plus large. Ses produits, précise-t-il, notamment des chips de fonio, sont actuellement distribués aux États-Unis au travers de la chaîne de distribution Whole Foods et dans 500 autres magasins.
Il est « essentiel » d’améliorer l’efficacité du processus de transformation du fonio, confirme E. Styger. « Parler d’améliorer sa production est une chose, mais s’il n’est pas possible de le transformer et de le distribuer, et de renforcer sa présence sur le marché, comment le produit pourra-t-il se développer ? Nous devons apporter du concret à nos agriculteurs, et ne pas nous contenter d’une simple expérience. »
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