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Lisez ici la synthèse de la première journée de l’évènement consacré à des exposés sur les zones arides africaines, l’alimentation et l’agriculture, ainsi que les débats intergénérationnels.
En 1980, il y avait une densité de plantation moyenne de quatre arbres par hectare dans les fermes nigériennes. Dix ans plus tard, la densité de plantation des arbres dans les fermes de la région de Maradi était passée à 40 arbres par hectare grâce à une méthode de restauration appelée régénération naturelle gérée par les agriculteurs (Farmer-managed natural regeneration ou FMNR), qui a permis d’augmenter les rendements agricoles et les ressources en eau, en dépit des épisodes de famine et de sécheresse. Deux décennies plus tard, cette approche a été développée dans 5 millions d’hectares du pays, en grande partie grâce au bouche à oreille entre agriculteurs, sans presque aucun soutien gouvernemental, financier ou extérieur.
Lors de la conférence numérique GLF Afrique : Restaurer les zones arides d’Afrique qui s’est tenue les 2 et 3 juin 2021, Tony Rinaudo, agronome et conseiller principal pour l’action climatique chez chez World Vision a déclaré : « S’il y a un risque à aller trop vite en matière de restauration, c’est que les gouvernements ne sont pas capables de réagir suffisamment vite. Comme il s’agit d’une initiative communautaire et que les retombées sont immédiates – plus de nourriture, plus de fourrage, plus de carburant – je ne vois vraiment pas le risque d’aller trop vite ».
La régénération naturelle gérée par les agriculteurs (FMNR) est l’une des nombreuses méthodes qui permet non seulement de rétablir les moyens de subsistance et les écosystèmes existants dans les zones arides d’Afrique, mais aussi de déconstruire le mythe selon lequel ces paysages sont condamnés à s’effondrer face à la pénurie d’eau, à la dégradation des sols, à la perte de biodiversité et aux conflits humains stimulés par l’intensification des changements climatiques.
Pendant deux jours, l’événement GLF Afrique a sensibilisé à la question des terres arides, qui couvrent près de la moitié du continent africain et abritent presque la moitié de sa population. Le message dominant passé par plus de 200 intervenant·e·s, des ministres aux scientifiques en passant par des musiciens, était le suivant : l’inversion de la dégradation des sols et la garantie d’un avenir meilleur pour ces paysages sont menés par les communautés locales, qui actualisent les anciens liens de partage des terres entre les agriculteurs, les pasteurs et les écosystèmes afin de prendre en considération le nouveau contexte climatique.
Seyni Nafo, coordinateur de l’Initiative d’Adaptation pour l’Afrique (IAA) a ainsi déclaré : « Tous les projets de restauration doivent être dirigés par des personnes. Du plus haut niveau du gouvernement jusqu’aux zones rurales, les projets doivent être dirigés et menés par celles et ceux qui sont sur le terrain ».
La conférence a présenté les dernières recherches et avancées scientifiques sur les terres arides au cours de 47 sessions différentes. De plus, les décideurs politiques ont pu prendre connaissance de 12 livres blancs publiés par les organisations participantes, alors que plus de 50 journalistes africain·e·s ont été formés et informés. En outre, cette conférence a favorisé le dialogue entre des milliers de participant·e·s originaires de 51 pays africains présents en ligne sur de multiples plateformes de diffusion en continu. Les informations partagées lors de l’événement ont notamment pu être diffusées sur les ondes d’une station de radio au Bénin, dans le plus grand quotidien du Nigéria et dans le principal magazine agricole d’Afrique.
Pendant l’évènement, de nouvelles initiatives importantes ont pu être dévoilées.
Ainsi, le Fonds pour l’environnement mondial (FEM) a lancé son nouveau Programme sur les paysages durables des zones arides, annonçant notamment un investissement majeur dans des pays arides d’Afrique et d’Asie centrale.
Le Gouvernement du Luxembourg a annoncé son partenariat avec le GLF sur la nouvelle Plateforme pour le Financement de la Nature », qui cherchera à accroître massivement les investissements dans le domaine du climat et de l’utilisation durable des terres, particulièrement dans les pays à revenu faible et intermédiaire. Le GLF a également consolidé ses efforts de partage des connaissances pour intégrer les bonnes pratiques en matière de déforestation verte et zéro dans le programme d’impact sur les systèmes alimentaires, l’utilisation des terres et la restauration(FOLUR), financé par le FEM et dirigé par la Banque mondiale.
Le GLF a également profité de l’évènement pour lancer l’appel aux candidatures pour les cinq nouvelles sections du GLFx. Dirigés localement, ces groupes du GLF mettent en œuvre des initiatives environnementales dans la région du Sahel. La Fondation Robert Bosch a noué un partenariat avec le GLF pour financer le lancement de chacune de ces sections à hauteur de 5 000 euros. Ces fonds permettront aux sections de restaurer des paysages sahéliens.
L’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) a publié son Cadre pour le suivi de la restauration des écosystèmes (Framework for Ecosystem Restoration Monitoring ou FERM), qui arrive à point nommé pour le lancement le 5 juin prochain de la Décennie des Nations Unies pour la restauration des écosystèmes qui était au cœur de l’événement.« Tous nos intervenant·e·s ont partagé un message simple : Nous pouvons le faire, mais nous devons agir de toute urgence, maintenant et ensemble », a résumé Robert Nasi, directeur général du Centre de recherche forestière internationale (CIFOR), avant de citer un proverbe somalien : « Si les gens se réconcilient, ils peuvent réparer une brèche dans le ciel ».
Charles Karangwa, responsable du programme Forêts, paysages et moyens de subsistance en Afrique de l’Est de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) rappelle : « La transformation commence avec la communauté locale ».Comme la vie des communautés locales dépend directement des ressources de leurs sols, elles sont les premières concernées par la restauration des paysages dégradés. Néanmoins, les intervenant·e·s ont souligné que les communautés ne devaient pas seulement participer à la mise en œuvre de nouvelles pratiques de gestion et de restauration des terres, mais aussi elles devaient aussi être impliquées dans leur élaboration.
Ainsi, l’application « Reverdir l’Afrique » a été créée par des scientifiques du Centre mondial d’agroforesterie (ICRAF). Il s’agit d’un outil qui permet aux petits exploitants agricoles qui appliquent des méthodes d’agroforesterie de télécharger sur leurs smartphones afin de de consulter et de téléverser de nouvelles informations. Grâce à l’application, les agriculteurs peuvent ainsi cartographier et mettre à jour les bornages de leurs parcelles, en enregistrant les détails jusqu’à l’emplacement, les utilisations et le taux de mortalité des espèces. Combinée à la collecte systématique des données sur les mêmes paysages effectuée par l’ICRAF, une base de connaissances complète sur « ce qui fonctionne le mieux à tel endroit » est alors mise à la disposition des agriculteurs.
Pour Tor-Gunnar Vågen, chercheur principal au CIFOR-ICRAF : « Très souvent, nous développons des outils, puis nous nous attendons à ce qu’ils soient adoptés par les personnes qui en ont besoin. Mais, souvent, cela n’arrive pas. Il est essentiel d’impliquer dès le début les parties prenantes dans ce processus, pour qu’elles comprennent aussi les informations et puissent prendre des décisions à différentes niveaux ».
De même, Bernard Crabbé, responsable des questions relatives à l’environnement et du secteur de l’économie circulaire de la Commission européenne, a précisé : « Ce sont vraiment les agriculteurs et les éleveurs qui sont les gardiens de la terre. Ce sont eux qui constituent la force motrice de tous ces efforts ».
En élargissant le débat à la politique, une étude de la FAO sur les besoins des parties prenantes dans les zones arides africaines a été présentée lors de l’événement. Cette étude a révélé qu’à tous les niveaux de gouvernance, les participant·e·s ont cité un besoin pour davantage de politiques et de recommandations politiques sur la restauration des paysages africains. Deux des principaux besoins des utilisateurs des terres et des groupes communautaires locaux portaient sur la médiation des conflits liés à l’utilisation des terres et sur les interventions appropriées qui tiennent compte des réalités de leur culture et mode de vie.
Adjany Costa, jeune ministre angolaise de la culture, du tourisme et de l’environnement âgée de 30 ans, a ainsi soutenu : « Pour qu’une politique soit efficace, il faut qu’elle soit applicable. Ce qui a fonctionné aux États-Unis, en Europe ne sera très certainement pas applicable en Afrique (…). Lorsque vous avez des plans qui sont établis ailleurs avec un contexte culturel-économique-social très différent, il est très difficile de les appliquer ».
Les intervenant·e·s ont martelé que les politiques restent indispensables pour atténuer les conflits entre les pasteurs nomades et les agriculteurs sédentaires, dont les pratiques historiques de partage des terres, qui harmonisaient autrefois les droits de pâturage et la fertilisation des sols, sont aujourd’hui mises à rude épreuve en raison de la rareté des ressources et des problèmes de tenure.
Néanmoins, l’accent a été mis sur la nécessité d’une politique forte pour les femmes et les jeunes, qui sont souvent confrontés aux mêmes risques et défis. Cette politique doit prendre en considération les traditions sociétales tout en assurant des droits fonciers équitables et l’inclusion dans les processus décisionnels.
D’après Sharon Ikeazor, ministre d’État nigériane de l’environnement, « les femmes et les jeunes doivent être au cœur de toutes les politiques que nous élaborons ». Elle poursuit en rappelant que les femmes sont responsables de 80 % de la production alimentaire dans les pays en développement. De plus, 60 % de la population africaine est âgée de moins de 25 ans.
Cécile Bibiane Ndjebet, directrice du réseau des femmes africaines pour la gestion communautaire des forêts de REFACOF (organisation africaine axée sur les droits des femmes) a partagé son point de vue : « Pour moi, la politique devrait se tourner vers la sécurisation foncière. Si vous voulez planter des arbres, vous devez sécuriser la propriété foncière. Si vous voulez faire quoi que ce soit sur le terrain, vous avez besoin de sécurité foncière ».
Pour les intervant·e·s, des solutions alternatives doivent être aussi développées lorsque les politiques ne peuvent pas surmonter les traditions familiales et culturelles des communautés locales. Au cours d’un témoignage saisissant, June Jerop Kimaiyo, stagiaire de l’Initiative Jeunesse dans les paysages (Youth in Ladnscapes Initiative ou YIL), a raconté comment elle a dû se battre contre des hommes plus âgés de sa famille pour avoir accès à la terre dont elle avait hérité. « La loi kényane dispose que la terre doit être divisée de manière égale entre les héritiers, quel que soit leur genre », a-t-elle expliquée avant de préciser: « Pourtant, cela n’est pas reconnu dans ma culture. Et, si la situation varie selon les pays d’Afrique, je sais que des femmes et des jeunes comme moi sont confrontés aux mêmes difficultés ».
D’après l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), près de 7 000 milliards de dollars seront nécessaires jusqu’en 2030 pour atteindre les objectifs en matière de changement climatique et de développement. Pourtant, en comparaison, les investissements réels dans la restauration des paysages sont dérisoires. En effet, selon une étude de la Bourse verte du Luxembourg et du GLF, seuls 3 % des obligations vertes ont été consacrées aux secteurs de la biodiversité et de l’utilisation durable des terres.
En annonçant le partenariat du Gouvernement luxembourgeois avec le GLF, Carole Dieschbourg, ministre luxembourgeoise de l’environnement, du climat et du développement durable, rappelle qu’« alors que la nature peut fournir plus de 20 % des solutions nécessaires pour atteindre les objectifs en matière d’atténuation du changement climatique, les secteurs liés à l’utilisation durable des terres restent encore sous-financés. Jusqu’à récemment, le secteur financier a mis du temps à prendre conscience de la menace que représente pour nous tous l’utilisation non durable des terres ».
En Afrique, l’amélioration des investissements est nécessaire à tous les niveaux. La Grande Muraille Verte, une initiative gigantesque qui vise à restaurer et à reverdir le Sahel afin d’endiguer la progression du désert saharien vers le Sud, a bénéficié en début d’année d’un investissement de 14 milliards de dollars, donnant ainsi une lueur d’espoir pour de nombreux intervenant·e·s à l’événement.
Mais, il est toujours difficile de faire parvenir des fonds, quels qu’ils soient, aux petits exploitants et aux membres des communautés qui constituent la majorité du secteur privé africain. Dans un sondage d’opinion, 39 % des auditeurs ont déclaré que les investissements dans des initiatives locales sont essentiels en matière de restauration africaine.
Mamadou Moussa Diakhité, chef par intérim de la durabilité environnementale à l’Agence de développement de l’Union africaine – Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (AUDA-NEPAD) rappelle ainsi : « L’un de nos défis et de nos objectifs est d’apporter des outils financiers et un accès financier aux petits exploitants agricoles, car ils ont des difficultés à accéder aux prêts et aux garanties. Nous devons passer de la simple restauration à la restauration des entreprises, en incluant les femmes et les jeunes ».
Une session de clôture de l’événement, organisée par l’Institut des ressources mondiales (WRI), s’est penchée sur des organisations et des modèles d’entreprises spécifiques qui fonctionnent. Plutôt que de lancer de nouveaux projets, l’organisation One Tree Planted a souligné qu’elle recherchait et soutiendrait financièrement les initiatives déjà existantes (surtout en Afrique) qui mettent en œuvre des pratiques de restauration appropriées.
Komaza est une entreprise qui cherche à atteindre la durabilité dans les chaînes de valeur du bois commercial en Afrique par la croissance des arbres dans les petites exploitations agricoles. L’entreprise se concentre également sur l’investissement dans la technologie, comme les outils d’évaluation par smartphone, qui soutiennent la mise à l’échelle des bonnes pratiques locales.
Ainsi, Tomo Kumahira, vice-président des finances et de la stratégie de Komaza a précisé : « Faire la bonne chose à grande échelle n’est généralement pas différent de faire de bonnes plantations. Nous n’investissons que dans des technologies porteuses : il s’agit de savoir comment nous pouvons nous assurer que chaque étape de ces processus est correctement gérée et réalisée ».
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