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Les dirigeants du continent africain sont réunis à Niamey, dans la capitale du Niger, pour porter l’initiative la plus ambitieuse à ce jour pour atténuer le changement climatique et s’y adapter.
L’Initiative pour la restauration des paysages forestiers africains (AFR100) est une action conjointe de plusieurs pays pour restaurer 100 millions d’hectares de terres dégradées et déboisées sur le continent africain d’ici 2030. L’initiative est administrée par l’Agence du NEPAD (African Union’s New Partnership for African Development), soutenue par plusieurs partenaires techniques et financée par le Ministère Fédéral Allemand pour la Coopération Economique et le Développement (BMZ), la Banque Mondiale et d’autres investisseurs privés. Vingt-quatre pays africains l’ont rejointe depuis son lancement en 2015, et se sont déjà engagés à restaurer 79 millions d’hectares – une superficie représentant presque deux fois celle de l’Allemagne.
Mamadou Diakhité, Chef de l’Equipe pour une Gestion durable des Terres et de l’Eau au NEPAD, raconte : « nous avons un grand espoir dans la réalisation de l’objectif des 100 millions d’hectares [de terres à restaurer] dans les mois à venir. L’objectif de la Conférence Annuelle des Partenaires à Niamey, précise-t-il, est de faire avancer le calendrier en lançant un véritable appel à l’action « De l’Engagement à la Mise en œuvre ». »
Restaurer des terres dégradées et déboisées est un enjeu crucial pour atténuer les effets du changement climatique, et l’Afrique présente le plus grand nombre de cas possibles de restauration dans le monde avec plus de 700 millions d’hectares de terres dégradées. Mais les pays africains sont aussi les pays les moins responsables du changement climatique. Pourquoi s’emparer de cet ambitieux objectif, alors même que les pays historiquement responsables n’ont fait qu’effleurer la question de la restauration ?
Pour Erick Ogallo de l’ONG Kijani, une organisation pour la jeunesse engagée dans la restauration des forêts au Kenya, et un des partenaires techniques de l’AFR100, les raisons pour y prendre part deviennent évidentes à l’occasion d’un voyage de Nairobi, là il il travaille, au petit village rural où il a grandi. « Je me motive en observant comment les choses changent, » dit-il. « Et elles changent vite. »
Ces dernières années, arbres et arbustes ont disparu de la région. Il y a très peu de bois à brûler pour le carburant, très peu de matériau de construction. Le plus inquiétant, selon Ogallo, c’est que les zones de bassins d’eau sont affectées. Cela a des conséquences sur la vie de tous les jours, et sur l’activité agricole – le pilier de l’économie kenyane. « Donc si on ne reboise pas, on n’aura rien à manger. On le fait pour nos vies. »
A une plus grande échelle, l’histoire n’est pas différente. Chaque année, près de trois millions d’hectares de forêts disparaissent en Afrique, et 65 pourcent des territoires sont touchés par le phénomène de dégradation. En plus des conséquences environnementales, les implications économiques sont considérables. On estime qu’en moyenne, l’Afrique « perd » trois pourcent de son PIB chaque année du fait de l’épuisement des nutriments et des sols sur ses terres cultivables.
Et le changement climatique empire d’autant plus la situation qu’il fait baisser le rendement agricole – ce qui affecte les fermiers et les ménages ruraux modestes qui dépendent d’une météo stable, de terres et de forêts en bonne santé, et d’eau pour subvenir aux besoins quotidiens.
En restaurant les forêts, la fertilité des sols augmente autant que la productivité agricole. Les fermiers peuvent diversifier leurs moyens de subsistance, sécuriser leurs sources d’alimentation face aux fluctuations du climat, et contribuer ainsi à la croissance économique. Comme l’explique Peter Ndunda, associé principal à l’AFR100 au World Resources Institute, « le plus gros potentiel de développement pour l’Afrique se trouve dans ses ressources naturelles. Et c’est maintenant qu’il est nécessaire de réfléchir sérieusement aux meilleurs options qu’on a pour gérer, restaurer et utiliser toutes ces ressources naturelles, pour les générations présentes et futures. »
Etant donné que dans de nombreuses régions rurales d’Afrique les tâches quotidiennes de collecte d’eau et de bois reviennent aux femmes, la reforestation peut leur être particulièrement bénéfique. Comme Ndunda l’explique, « si la rivière cesse de s’écouler, et si elles doivent marcher plus longtemps et sur de plus grandes distances, elles perdent un temps qu’elles auraient pu consacrer à autre chose. Cela les rend encore plus pauvres. » Et pire encore, ajoute-t-il, les enfants doivent souvent manquer l’école pour récolter des ressources qui se font de plus en plus rares, la pauvreté intergénérationnelle s’en voit ainsi augmentée.
Bien menées, explique Diakhité, les activités de reforestation peuvent résoudre directement ces problèmes, et apporter de nouveaux moyens de subsistance aux femmes et aux jeunes en créant des emplois « verts » dans les communautés rurales où ils vivent. Il est donc important que ces activités impliquent les populations les plus vulnérables pour qu’elles en sortent renforcées, dit Anna Rother de GIZ, l’Agence allemande de coopération pour le développement, un autre partenaire technique de l’AFR100. Après tout, avec la Restauration des Paysages Forestiers (RPF) qui est à la base de l’initiative, « il ne s’agit pas seulement de protéger la nature – c’est une approche où les populations sont au centre, » dit-elle.
Cette façon de travailler demande une flexibilité considérable et une forte collaboration et communication intersectorielle, explique Madfa Lovei, Gestionnaire spécialisée à la Banque Mondiale. « Pour avoir un résultat, nous avons besoin de travailler avec les secteurs qui façonnent les paysages africains, et adapter notre attirail de solutions à chaque contexte. Cela suppose que chacun travaille simultanément sur plusieurs niveaux, » dit-elle. L’importance des réunions comme celle qui se déroule en ce moment à Niamey s’en trouve confirmée, pour que les pays apprennent les uns des autres et mettent en place les meilleures solutions, dit Rother.
Que fait-on maintenant ? A en croire Ndunda, « nous vivons un moment où le continent africain a besoin d’un récit réellement positif, et pas seulement pour la beauté de la chose, mais un récit de ce qui se passe vraiment sur le terrain. » Et la reforestation a déjà une longue histoire derrière elle en Afrique à de plus petites échelles : des cas de réussites qui, espère-t-il, « donnent au continent africain l’occasion d’un essor. L’occasion pour les pays de trouver des solutions, pour catalyser ce qui a fait que dans certains cela a fonctionné, et en faire profiter à tous. »
L’AFR100 met à disposition une plateforme pour stimuler ce « momentum » et cette action transformatrice, au moment où justement ce genre d’initiatives peut se rattacher aux accords internationaux sur le changement climatique comme les Accords de Paris, le Défi de Bonn (The Bonn Challenge) et les Objectifs de Développement Durable, dit Lovei.
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Ogallo d’ajouter : « l’AFR100 est utile parce qu’elle montre à la face du monde l’importance des forêts. L’importance des forêts africaines. En termes d’environnement, nous sommes tous un univers – ce que l’on fait en Afrique a des conséquences sur les autres pays. Donc il faut travailler ensemble. »
Bien sûr, « 2030 est juste un nombre », nous rappelle Ogallo, et le changement quel qu’il soit dans les 13 prochaines années doit être durable sur un horizon plus large que 2030. Comment faire ? Au-delà de l’assistance technique et de l’expertise financière, il faut soutenir et inspirer l’audace et le courage des champions de tous les niveaux de la restauration, dit Diakhité. Donc un des enjeux majeurs auquel la conférence devra répondre, dit Ndunda, est le suivant : « Comment allons-nous mobiliser ces champions de la restauration pour s’assurer qu’ils sont capables de diriger le mouvement ? On en a vu faire tant avec si peu. Imaginez seulement, s’ils avaient plus de soutien, ce qu’ils seraient capables de faire ! »[:]
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