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Un agriculteur utilise un réchaud à gazéification au Kenya. L’usage de réchauds à gazéification, plus propres et consommant moins d’énergie, au lieu des foyers à bois traditionnels a un effet positif sur l’agriculture et l’environnement. Crédit photo : Mary Njenga
BONN, Allemagne (Landscape News) – L’usage de réchauds à gazéification, plus propres et consommant moins d’énergie, au lieu des foyers à bois traditionnels a un effet positif sur l’agriculture et l’environnement, en réduisant au final le volume de combustible brûlé de plus de 40 %, selon les scientifiques.
Actuellement, près de 4,5 millions de personnes décèdent chaque année de problèmes de santé causés par l’inhalation à leur domicile de fumées provenant de la combustion de combustibles solides. Dans le monde entier, 38 % de la population, soit 2,7 milliards de personnes, font la cuisine avec du bois ramassé dans la forêt et les exploitations agricoles selon des pratiques non durables.
En Afrique subsaharienne, le ramassage à la main du bois de chauffage, souvent effectué par les femmes et les jeunes filles au dos malmené par la position courbée, et son transport vers les maisons est la principale source de combustible pour faire la cuisine et se chauffer.
Bien que les combustibles liquides, l’énergie solaire et l’hydroélectricité puissent constituer des alternatives intéressantes, leur coût, le manque d’infrastructures et les habitudes locales font que l’usage durable du bois-énergie, que ce soit le bois de chauffage ou le charbon de bois, est une solution plus viable dans la région.
Par conséquent, les chercheurs des centres suivants : Centre mondial d’agroforesterie (ICRAF) et Wangari Maathai Institute (WMI) à Nairobi, Royal Institute of Technology, Lund University, Université suédoise des sciences agricoles, International Institute for Tropical Agriculture, Centre de recherche forestière internationale, tentent de trouver des technologies de conversion d’énergie plus efficaces et plus saines, qui émettent moins de pollution en produisant simultanément du biochar (charbon de bois obtenu par pyrolyse de biomasse) pour amender les sols afin d’améliorer la croissance et la santé des plantes.
« Les réchauds pour la cuisine sont indispensables — il nous faut innover pour satisfaire les besoins énergétiques et préparer les repas et ces innovations doivent être compatibles avec les infrastructures disponibles sur le plan local et présenter des avantages environnementaux et socioéconomiques », affirme Mary Njenga, scientifique en bioénergie à l’ICRAF et professeure invitée au WMI.
« Non seulement c’est très fatigant de ramasser du bois, mais cela empêche les femmes de pratiquer d’autres activités comme l’agriculture ou la gestion d’une petite entreprise pour gagner leur vie », indique M. Njenga, qui présentera une communication dans le cadre des exposés sur les paysages (Landscape Talks) lors du prochain Forum mondial sur les paysages (GLF) Prospects and Opportunities for Restoration in Africa (Perspectives et opportunités pour la restauration en Afrique) qui se tiendra au siège du PNUE à Nairobi. « Les femmes passent environ un jour ouvré par semaine à ramasser du bois de chauffage dans les forêts. Cela implique qu’elles vivent essentiellement avec 20 % de revenus en moins puisqu’elles ne disposent normalement que de cinq jours de travail comme elles passent le samedi en tâches ménagères ».
Les réchauds à gazéification peuvent apporter une réponse à ces problèmes. Ces réchauds produisent du charbon de bois comme sous-produit de la combustion du bois, en permettant de faire cuire un second repas dans un autre réchaud fonctionnant au charbon de bois et en ayant plus d’efficacité comparativement aux foyers à trois pierres qui sont traditionnels au Kenya.
Pour son étude, l’équipe a évalué l’efficacité énergétique, les concentrations de monoxyde de carbone et de particules fines dans l’air des maisons des populations rurales du Kenya afin de comparer ce nouveau réchaud aux autres.
Les réchauds à gazéification transforment le bois de chauffage ou les résidus agricoles en énergie en quatre étapes : séchage, pyrolyse (carbonisation), gazéification et combustion des gaz. Après comparaison avec d’autres solutions, on a trouvé que ces réchauds étaient les plus efficaces pour produire du charbon de bois pendant la cuisson des aliments. Le réchaud à gazéification est aussi plus propre et produit une combustion plus efficace, ce qui économise environ 40 % du combustible qu’on utiliserait dans un foyer à trois pierres et 27 % si le charbon de bois est utilisé dans d’autres buts, comme l’amendement des sols. Les chercheurs ont découvert qu’il réduit la concentration de monoxyde de carbone de 45 % et de particules fines de 90 % par rapport au foyer à trois pierres.
Il a été trouvé que le charbon de bois produit dans un réchaud à gazéification présente de bonnes propriétés combustibles, ce qui a été testé en faisant cuire des repas traditionnels composés d’ugali, une boule de farine de maïs et du chou kale sur un réchaud de marque Kenya Ceramic Jiko (KCJ). La performance du charbon de bois produit dans le réchaud à gazéification a été comparée à celle du charbon de bois conventionnel.
L’étude a commencé par un pilote à Embu, ville située à environ 120 kilomètres au nord-est de Nairobi, où 20 ménages ont été équipés d’un réchaud à gazéification en acier galvanisé fabriqué par des artisans de la capitale.
Après avoir été formés, les 20 ménages ont reçu un réchaud à gazéification et 35 % d’entre eux l’utilisent quotidiennement. Ils ont fait savoir qu’il économise du combustible, produit moins de fumée et cuit les aliments plus vite que le foyer à trois pierres. Les utilisateurs ont aussi apprécié sa capacité à produire du charbon de bois pour cuire d’autres repas ou pour servir de biochar qui amende le sol en améliorant sa structure et la rétention de l’humidité et des nutriments, en favorisant la microfaune et en piégeant le carbone.
Les fermiers ont signalé toutefois certains points faibles concernant le réchaud à gazéification en acier galvanisé parce qu’ils l’ont trouvé instable et que ses parois deviennent brûlantes, ce qui pose un grand risque de brûlure.
Lors de la seconde phase du projet, l’équipe a utilisé le réchaud à gazéification Gastov de qualité supérieure qui est fabriqué par le Kenya Industrial Research and Development Institute (KIRDI). Le Gastov, plus stable, est équipé de parois isolées. Ce réchaud a été remis à 150 agriculteurs de trois secteurs. Après deux ou trois mois d’usage, 96 % des ménages s’en servaient encore.
Après avoir répandu du biochar pendant une saison, les agriculteurs se sont aperçus que les rendements avaient augmenté. Certains d’entre eux produisaient plus de biochar que ce dont ils avaient besoin sur leurs parcelles pilotes et ils en donnaient donc à leurs voisins. Si la production de biochar continue, cela pourrait s’avérer une source de revenus supplémentaires pour les petits exploitants, déclare M. Njenga, en ajoutant que les scientifiques poursuivent leur étude de la qualité du biochar et de ses caractéristiques bénéfiques.
La production de biochar par les petits exploitants est une innovation gagnant-gagnant pour l’amélioration des moyens de subsistance et des paysages, assure M. Njenga.
Les résidus agricoles comme les épis de maïs et les coques de noix de coco sont aussi utilisés comme combustible pour cuire les aliments dans les réchauds à gazéification, ce qui soulage la pression environnementale sur les zones boisées. Le fait de pouvoir brûler des résidus permet aux fermiers de moins tailler les arbres qui remplissent plusieurs rôles sur leur exploitation, ce qui réduit la pauvreté liée à l’énergie nécessaire à la cuisson.
Par ailleurs, les agriculteurs récupèrent le charbon de bois quand la flamme est éteinte, et à ce moment-là, les aliments qui cuisent vite sont prêts. Cependant, pour les aliments qui exigent une cuisson plus longue, comme le maïs et les haricots, ils préfèrent toujours le foyer à trois pierres plutôt que de rallumer les réchauds à gazéification. Par conséquent, ce foyer n’a pas encore été abandonné et, pour la santé des usagers, il faut poursuivre les efforts pour améliorer sa performance, souligne M. Njenga.
Des améliorations ont été apportées au Gastov grâce à des échanges permanents sur les conclusions des recherches. C’est maintenant un réchaud double qui consomme moins de combustible en plus de produire du charbon de bois, ce qui évite d’utiliser un second réchaud à charbon de bois. En dépit de 70 ans d’efforts pour améliorer les réchauds, les objectifs n’ont pas été atteints et le taux d’adoption reste faible, en partie à cause du fait qu’on se concentre seulement sur la distribution et qu’il y a peu de recherche.
Pour les scientifiques, les résultats des recherches illustrent la nécessité de bien comprendre les besoins et les préférences des usagers pour que les perfectionnements technologiques des réchauds cadre avec leur culture et leur façon de cuisiner. Par exemple, le Gastov exige que les usagers coupent le bois en petits morceaux d’environ 33 cm, ce qui est un problème.
L’équipe de recherche est composée d’étudiants en conception et en sciences de l’environnement et d’un chercheur sur le genre sélectionnés par le Bureau des programmes internationaux de la Faculté des sciences agricoles (College of Agricultural Sciences) de Penn State University. Ce processus a réuni une équipe pluridisciplinaire où règne le coapprentissage et la coconception.
Cette étude qui a démarré en 2013 est toujours en cours sur financement du Swedish Research Council et de la Swedish International Development Cooperation Agency.
Pour découvrir les initiatives de restauration dans l’ensemble de l’Afrique au sommet du Forum mondial sur les paysages (GLF) de Nairobi les 29 et 30 août 2018, cliquer ici.
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