Forest landscape restoration in Ethiopia. CIFOR/Mokhamad Edliadi

Le maintien en place des forêts est bénéfique pour les agriculteurs africains d’après une nouvelle étude

14 août 2018

Restauration des paysages forestiers en Éthiopie. CIFOR/Mokhamad Edliadi

 

BONN, Allemagne (Landscape News)—Plus une exploitation agricole est proche d’une forêt, meilleure est la productivité du bétail et la durabilité des sols à long terme, d’après une récente étudemenée dans le Sud de l’Éthiopie. Par ailleurs, la proximité d’une forêt augmente l’égalité entre les ménages et la capacité à gérer les chocs.

Les résultats de l’étude ont été publiés dans la revue Agriculture, Ecosystems and Environment, et montrent que le maintien des forêts dans les paysages ruraux devrait être considéré comme une démarche prometteuse pour appuyer l’intensification durable de l’agriculture en Afrique.

Les avantages présentés par les forêts sont bien plus grands que ce que nous pensions, affirme Jean-Yves Duriaux Chavarría, qui a codirigé l’étude pour le compte de l’International Maize and Wheat Improvement Center(CIMMYT) et qui travaille actuellement comme chercheur consultant à Cornell University. Les deux autres éminents chercheurs sont Frédéric Baudron du CIMMYT et Terry Sunderland du Centre de recherche forestière internationale(CIFOR).

Selon les auteurs, la nécessité de ne pas se cantonner à la productivité sur les exploitations se dégage des débats sur l’avenir de l’agriculture. Ils avancent qu’il est tout aussi important de tenir compte de la durabilité à long terme, de la résilience et des questions d’égalité dans le contexte de paysages entiers, où l’on observe toutes sortes d’interactions entre les exploitations agricoles et leurs alentours.

DES FORÊTS ET DES FERMES DANS LE SUD DE L’ÉTHIOPIE

Les chercheurs ont étudié six villages dans le Sud de l’Éthiopie, situés à diverses distances de la forêt de Munesa, propriété de l’État, dans la région d’Oromia. Ils ont découvert que la productivité des cultures était similaire sur l’ensemble des fermes, mais que celles qui étaient situées plus près de la forêt avaient un nombre supérieur de têtes de bétail par rapport aux exploitations plus éloignées, parce que la forêt permet aux bêtes de se nourrir.

La proximité de la forêt augmentait aussi la résilience des fermes, en stimulant leur capacité à résister aux chocs, comme la hausse subite du prix des engrais, des événements météorologiques extrêmes ou l’arrivée de ravageurs. Les fermes proches de la forêt sont moins dépendantes des intrants achetés et plus diversifiées, ce qui permet aux exploitants de faire face à un changement soudain.

« Les fermes proches de la forêt ont en général du bétail, des chèvres et des ânes, tandis que lorsqu’on s’éloigne de la forêt on n’élève que du bétail, » répond J.-Y. Duriaux Chavarría à une demande d’exemple. « En cas de maladie touchant le bétail, les fermiers qui sont éloignés de la forêt perdront tout leur troupeau, tandis que ceux qui en sont proches auront toujours leurs chèvres et leurs ânes. »

Pour explorer la pérennité à long terme des fermes, les chercheurs ont étudié l’équilibre du carbone, de l’azote, du phosphore et du potassium dans le sol. Ils ont trouvé que la forêt est une importante source de nutriments pour fermes situées à proximité. Ces nutriments sont transportés de la forêt à la ferme par les déjections du bétail et la combustion du bois de chauffage.

De plus, les chercheurs ont trouvé que la proximité de la forêt avait un effet positif sur l’égalité socioéconomique des différents ménages. Cela est dû au fait que tous les fermiers qui vivent près de la forêt, même ceux qui ne possèdent pas de terre ou très peu, ont accès aux espaces forestiers communs pour faire paître les animaux, et donc tout le monde peut avoir du bétail. C’est un avantage crucial, fait remarquer J.-P. Duriaux Chavarría, car le bétail fournit du lait, de la viande, et la possibilité de vendre des animaux quand le besoin d’argent se fait sentir, mais les bêtes peuvent aussi servir d’animaux de trait (pour labourer les champs par exemple) et jouent un rôle essentiel en transférant des nutriments de la forêt aux champs.

Enfin, dans un autre articlequi s’appuie sur la même étude, les chercheurs révèlent que les populations vivant près de la forêt ont un régime alimentaire plus varié. Ceci est non seulement dû à la variété de produits dont elles disposent grâce à leur bétail, mais aussi au fait que ses déjections permet de diversifier la production agricole dans les jardins.

INTENSIFICATION DURABLE

Les résultats de cette étude alimentent le débat actuel sur le développement de l’agriculture en Afrique. La productivité agricole sur le continent africain est actuellement la plus faible du monde, alors que la population, qui est de 1,3 milliard aujourd’hui, est censée exploser et passer à 4,5 milliards en 2100, d’après les dernières prévisions des Nations Unies. Par conséquent, l’intensification de l’agriculture est vue par beaucoup comme prioritaire pour assurer la sécurité alimentaire de millions de personnes.

Afin d’éviter que l’augmentation de la production agricole n’exacerbe les problèmes environnementaux, comme la diminution des ressources en eau et des nutriments, l’appauvrissement de la biodiversité et les émissions de gaz à effet de serre, il faut investir dans l’intensification durable.

Les chercheurs défendent la thèse que le maintien des forêts devrait être considéré comme un élément clé des stratégies d’intensification durable, parce qu’elles jouent un rôle important dans les modes d’élevage du bétail et de culture qui sont fréquents dans de nombreux pays d’Afrique.

« Notre étude montre que le rôle des forêts comme source de nourriture pour le bétail est crucial. En termes de régulation, cela signifie que nous devrions garder les forêts en place et autoriser le pâturage dans certaines zones boisées, tout en veillant en même temps à conserver l’équilibre précaire entre l’exploitation durable et la surexploitation, » déclare J.-P. Duriaux Chavarría.

COMPRENDRE LE RÔLE DES ARBRES ET DES FORÊTS

Bien qu’il existe différents points de vuesur les meilleurs moyens qui permettraient de réaliser l’intensification durable, l’agroforesterie est très souvent citée dans les nombreuses approchesenvisagées. Pour quelle raison ? La présence d’arbres dans les champs a une action régulatrice sur l’eau, les sols et les microclimats, ce qui contribue à soutenir la productivité à long terme tout en réduisant la dépendance vis-à-vis des intrants achetés. Les arbres sur les exploitations agricoles apportent aussi aux agriculteurs une variété plus grande de produits, comme des fruits et du bois de chauffage, qu’ils peuvent vendre ou consommer pour leurs besoins familiaux.

En plus des avantages présentés par des arbres sur une exploitation agricole, une forêt située à l’extérieur de celle-ci (mais à proximité des champs) influence aussi la production agricole. Cependant, les interactions entre les forêts et les exploitations agricoles à l’échelle d’un paysage sont très peu étudiées, selon un examenrécent de la littérature scientifique.

Dans l’optique de mieux comprendre les interactions complexes qui existent à l’échelle du paysage, le CIFORa lancé le projet Agrarian Change, qui comporte des études de cas détaillées dans les paysages ruraux de sept pays, à l’aide d’une méthodestandardisée et pluridisciplinaire. L’étude réalisée dans le Sud de l’Éthiopie faisait partie de ce projet.

Pour découvrir les initiatives de restauration dans l’ensemble de l’Afrique au sommet du Forum mondial sur les paysages (GLF) de Nairobi les 29 et 30 août 2018, cliquer ici.

 

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