Le monde entier reconnaît l’urgence de préserver les forêts intactes et la riche biodiversité d’Afrique centrale pour maintenir l’équilibre de la planète. Cependant, des organisations de conservation ne disposent pas toujours de données fiables et d’outils leur permettant de sélectionner des sites les plus appropriés pour la mise en œuvre des activités de conservation.
Une équipe multi-institutionnelle de scientifiques coordonnée par la Wildlife Conservation Society (WCS) vient de combler ce vide. Dans une récente étude scientifique publiée dans la revue scientifique « Environmental Research Letters », ils ont identifié les forêts les plus importantes pour la conservation de la biodiversité qui subsistent encore en Afrique centrale.
Selon les résultats de l’étude, tous les pays de la région possèdent encore des zones hautement prioritaires pour la conservation, mais la République démocratique du Congo (RDC) arrive en tête du classement.
« Nous avons constaté que le pays le plus important est sans aucun doute la RDC, » indique Hedley Grantham, directeur de la planification de la conservation de WCS et auteur principal de l’étude. « Le pays abrite environ la moitié des lieux les plus importants identifiés, suivi par le Gabon, la République du Congo et le Cameroun. »
De façon spécifique, les auteurs citent la nécessité de protéger ces zones : la région de la Salonga et le centre-est de la RDC, le nord de la République du Congo, les monts de Cristal et les monts de Chaillu au Gabon, ainsi que des zones le long de la côte et le nord-est du pays.
Pour aboutir à ces résultats, les chercheurs ont combiné des données issues des travaux antérieures ayant identifié des bastions de grands mammifères et de nouveaux indicateurs sur l’état des forêts d’Afrique centrale. Ils ont aussi comparé les résultats des schémas d’identification des sites de conservation dont la priorité repose sur les forêts intactes à ceux qui mettent en priorité la biodiversité des écosystèmes et des espèces.
Dans ce processus, ils ont constaté « qu’en donnant la priorité aux forêts uniquement en fonction de leur état, et en ignorant les autres données sur la biodiversité des écosystèmes et des espèces, on sacrifie les avantages de la représentation de la biodiversité, » explique H. Grantham. « Inversement, on passe à côté des endroits où il est possible de préserver les forêts encore intactes. »
Pour rentabiliser alors les bénéfices des deux approches, l’étude souligne la nécessité de choisir les sites de conservation en accordant la priorité tant à l’intégrité des forêts qu’à la biodiversité des écosystèmes et des espèces. Les auteurs proposent ainsi une rupture avec les approches traditionnelles de choix des zones de sites de conservation basées sur les forêts à Haute Valeur de Conservation (HCV).
Réinventer les critères de sélection des sites prioritaires de conservation était devenue une urgence, selon Olivia Rickenbach, experte du Forest Stewardship Council (FSC), qui a par ailleurs coordonné l’élaboration de lignes directrices sur l’identification et la gestion de zones forestières à HVC pour la gestion des forêts certifiées FSC dans le bassin du Congo.
« La collaboration qui a produit cette analyse a été déclenchée par le manque de données et d’outils décisionnels facilement disponibles qui pourraient identifier les zones les plus importantes pour la conservation de la biodiversité au niveau du paysage, » dit O. Rickenbach. « L’analyse était également nécessaire en raison de la critique régionale des paysages forestiers intacts comme indicateurs pour définir de telles zones. »
Finalement, bien que cette étude pose des jalons d’une nouvelle vision de la conservation en Afrique centrale, des défis demeurent. Par exemple, les auteurs affirment n’avoir pas pris en compte les spécificités socio-économiques dans leur analyse.
« Il existe une variété de systèmes socio-économiques dans la région, allant de grandes concessions forestières commerciales à de vastes zones de forêts communautaires comprenant de nombreuses communautés indigènes, » dit H. Gratham. « L’utilisation sur le terrain des résultats de cette analyse pourrait également nécessiter une compréhension de ces contextes socio-économiques lors de la conception des actions de conservation, » reconnait-t-il.
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